Face à face – Eva Lacheray

Par Miguel JOSEPH-AUGUSTE

Bienvenue dans le cinquième épisode de notre série Face à Face où tous les mois nous vous faisons découvrir un acteur du mouvement sportif local. Aujourd’hui nous vous présentons Eva Lacheray, escrimeuse de haut niveau passée par le CDOS25 ! De sa carrière de sportive à son statut d’entrepreneuse, retrouvez notre entretien complet.

Présentez-vous en quelques lignes.
Je m’appelle Eva Lacheray, j’ai bientôt 25 ans et je suis escrimeuse de haut niveau. J’ai participé aux Jeux Olympiques de Paris 2024 et j’ai intégré l’équipe de France en 2016. En parallèle de ma carrière sportive, j’ai suivi deux ans d’études dans le domaine du commerce. Avec une coéquipière de l’équipe de France, j’ai cofondé une entreprise spécialisée dans la transmission des soft skills des athlètes de haut niveau. Nous aidons les collaborateurs en entreprise et les entrepreneurs désireux de développer leurs compétences à tirer parti de ces enseignements.

Comment se sont déroulés vos débuts dans le sport de haut niveau ?
J’ai intégré l’équipe de France à seulement 16 ans, après être passée par toutes les catégories : Cadet, Junior, U23 et Senior. Mon parcours s’est toujours déroulé dans la continuité et le plaisir. Je suis restée fidèle à mon club, où j’ai toujours vu le haut niveau comme une opportunité et une source de motivation. Si ma carrière devait s’arrêter demain, ce ne serait pas un problème, car je n’ai jamais craint cette éventualité. Mes débuts dans le haut niveau se sont faits aux côtés de mon maître d’armes, qui m’accompagne encore aujourd’hui dans mon club. J’ai avancé étape par étape, même si j’avais une longueur d’avance sur les athlètes de ma génération. Cela m’a permis d’acquérir rapidement de l’expérience en affrontant des escrimeurs des catégories supérieures.

Quels obstacles avez-vous rencontrés au cours de votre carrière et comment avez-vous trouvé la motivation pour les surmonter ?
Le plus grand obstacle de ma carrière a été de ne pas intégrer l’INSEP plus tôt, alors qu’on me le proposait depuis mes 18 ans. Ce n’est finalement qu’à 23 ans, à l’approche des Jeux Olympiques, que j’ai rejoint la structure. J’ai toujours refusé d’entrer en pôle ou dans une autre structure fédérale, ce qui m’a parfois porté préjudice, notamment en me privant de certaines sélections en compétition auxquelles j’aurais pourtant eu ma place. Malgré cela, je considère que mon entrée à l’INSEP s’est faite au bon moment. Jusqu’alors, j’ai dû me débrouiller seule pour obtenir des résultats, ce qui m’a forgé un mental solide et une grande autonomie.

Quelles sont pour vous les qualités essentielles pour réussir à ce niveau ?
Les qualités nécessaires évoluent selon chaque personne, et il y en a énormément à développer. C’est d’ailleurs ce qu’on transmet dans nos formations. La technique et la condition physique sont indispensables, il faut toujours les travailler et être prêt à s’investir à fond. Mais au-delà de ça, il faut aussi savoir accepter les résultats, qu’ils soient bons ou mauvais, car le haut niveau est une vraie leçon de vie. Le mental joue un rôle énorme. Il faut apprendre à gérer son stress, à mieux se connaître et à bien s’entourer. L’alimentation aussi est importante, et il faut l’adapter selon les périodes. Mais surtout, il faut être capable de s’adapter à toutes les situations, oser prendre des risques et saisir les opportunités quand elles se présentent. Et bien sûr, savoir faire face aux imprévus, parce qu’il y en aura toujours ! Voilà, pour moi, les bases essentielles, même si je pourrais en citer bien d’autres.

Comment gérez-vous le stress et la pression lors des compétitions à fort enjeu ?
J’ai eu un vrai déclic sur la gestion du stress. Pendant des années, j’ai gagné des compétitions et on me voyait toujours calme et sereine. Mais en réalité, j’étais souvent très stressée, parfois même tétanisée, parce que j’essayais de fuir ce stress. Avec le temps, j’ai compris que ça ne servait à rien de vouloir l’éliminer, car il sera toujours là. Et surtout, j’ai réalisé que le stress peut être une bonne chose : bien utilisé, c’est un vrai booster. Quand tu l’acceptes, tu prends plus conscience de l’instant présent et tu acceptes de jouer ! Et en escrime, jouer est indispensable, car sur la piste, tu es obligé d’interagir avec ton adversaire. Une fois que j’ai compris ça, le stress ne m’a plus bloquée. Une fois que tu as pris conscience de tout ce qu’il t’apporte, tu t’en sers comme un super pouvoir qui va t’aider pendant ta compétition. En dehors de ça, quand je traverse des périodes très stressantes, j’utilise aussi des exercices de respiration les jours précédant les compétitions en essayant de me détendre et de m’adapter à mon ressenti.

L’expérience des Jeux Olympiques a-t-elle changé votre vision du sport, de la compétition ou de la vie ?
Oui, l’expérience des Jeux Olympiques a complètement changé ma vision du sport, de la compétition et de la vie. Je ne m’attendais pas à un tel engouement du public, que ce soit pendant ou après l’événement. Le fait que les Jeux se dérouleront à Paris a ajouté une dimension magique, et j’ai reçu de nombreux messages de personnes attristées par la fin de cette période où tout le monde semblait heureux, fier des athlètes et pleinement engagé. Avant les Jeux, je ne réalisais pas à quel point le sport pouvait être une source d’inspiration pour les autres, car j’ai toujours baigné dedans depuis mon plus jeune âge. Mais cette expérience m’a fait prendre conscience que le sport ne se limite pas aux parcours des grands champions : tous les athlètes, quel que soit leur niveau ou leur discipline, ont un rôle à jouer. Nous aurions pu mieux utiliser cet élan pour rendre le pays plus sportif et intégrer des valeurs comme le fair-play, la mixité, la tolérance et le dépassement de soi dans le quotidien. Cette expérience a bouleversé ma perception du sport et de son impact dans nos vies. Sur le plan personnel, mon rapport avec ma carrière sportive a aussi évolué : en étant devenue olympienne, je suis désormais pleinement reconnue comme une athlète, ce qui a changé la façon dont je me perçois et dont les autres me perçoivent.

Un dernier mot pour nos lecteurs ?
Pour finir je tiens à souligner l’importance de pratiquer le sport, non seulement pour le corps mais aussi pour l’esprit. Le sport nous aide à rester en bonne santé, à développer nos capacités physiques, mais il est également un véritable vecteur de valeurs : discipline, respect, esprit d’équipe et dépassement de soi… Ces qualités nous accompagnent bien au-delà de la salle d’entraînement ou de la compétition. Peu importe le niveau ou la discipline, le sport nous apprend à faire face aux défis de la vie avec détermination et à rebondir après les échecs. On dit souvent que le sport est l’école de la vie, et il n’est jamais trop tard pour retourner à l’école ! Alors allez découvrir ou retrouver une discipline qui vous passionne, allez rencontrer des personnes de tout horizon, allez vous développer pleinement. Je tiens aussi à remercier tous ceux qui ont suivi et qui suivent encore mon parcours et qui me soutiennent.